Mégatendances mondiales 2022

Global Megatrends 2022

img
img

Message de notre directeur des opérations : Une nouvelle voie à suivre

Toute analyse des forces mondiales ayant une influence significative sur la société d'aujourd'hui ne peut omettre l'impact permanent de la pandémie de COVID-19. Plus de deux ans après son émergence en décembre 2019, la pandémie continue de bouleverser de nombreux aspects de nos vies et ce que nous pensions savoir sur le fonctionnement du monde. Mais tandis que nous faisons encore face à ces difficultés dans la sphère professionnelle comme personnelle, nous apprenons la nécessité d'être plus agile et réinvente une nouvelle voie à suivre. Nous avons redécouvert l'importance de la solidarité au-delà des frontières pour relever les défis les plus urgents.

Toutefois, si la société et les industries trouvent de nouvelles solutions, il reste pour autant des difficultés complexes à surmonter. Elles sont même plus omniprésentes que jamais. Le progrès repose sur les acteurs du changement — des personnes qui perçoivent des opportunités et des solutions en plein cœur de la crise.

Les professionnels du management de projet, bien sûr, font partie de ces acteurs du changement. Les organisations se tournent depuis longtemps vers les chefs de projet et les professionnels dont les compétences de management de projet peuvent les aider à transformer leurs idées en réalité. Ce qui distingue véritablement cette communauté, c'est son goût de la mise en œuvre, sa volonté de chercher les moyens de concrétiser un objectif audacieux. Ces compétences seront plus indispensables que jamais dans les années à venir, dans un monde aux prises avec certains des enjeux décrits dans le rapport Mégatendances mondiales de cette année.

Les acteurs du changement d'aujourd'hui ne peuvent pas évoluer en vase clos, isolés des défis du monde. Pour diriger le plus efficacement possible, il est impératif de comprendre la direction que prend le monde, ce que cela signifie pour les organisations, et les contributions que nous pouvons apporter. Pour mettre en lumière ce contexte global, PMI propose son rapport annuel des Mégatendances, qui évalue les tendances à long terme, les recherches menées et les données sectorielles du monde entier, et présente les points de vue des professionnels du management de projet qui conduisent actuellement le changement.

Six tendances majeures émergent en 2022, toutes susceptibles d'avoir un impact durable sur les entreprises et la société, de la révolution numérique aux mouvements pour l'égalité qui remodèlent l'humanité aux quatre coins du monde.

Cependant, comprendre les tendances qui affectent notre monde n'est que la première étape pour les surmonter ou les accueillir. C'est lorsqu'elle s'approprie de grandes idées et s'efforce de les mettre en œuvre que notre communauté a le plus d'impact. Autrement dit, il ne suffit pas de comprendre les implications des grands défis comme la crise climatique ou l'augmentation des inégalités économiques ; il appartient également à cette communauté d'aider à réinventer et réaliser des solutions.

J'espère que le rapport de cette année sensibilisera et inspirera les acteurs du changement et les organisations du monde entier à produire un impact. Nous sommes impatients de les aider à continuer de forger des voies d'avenir.

Mike DePrisco
Directeur des opérations, PMI

img
img

Introduction Mégatendances mondiales 2022

En 2021, nous avons appris qu'il n'y aurait peut-être pas de nouvelle normalité, seulement le rythme perpétuel et accéléré du changement. Tandis que le PMI surveille activement les dynamiques technologiques, les changements démographiques et les complexités de la mondialisation qui refaçonnent notre monde, six mégatendances se distinguent par leur impact et leurs implications pour les projets à travers le monde :

1.Révolution numérique

2.Crise climatique

3.Changements démographiques

4.Changements économiques

5.Pénuries de main-d'œuvre

6.Mouvements citoyens, civiques et pour l'égalité

Avec la COVID-19 et la menace de futures pandémies, il va nous falloir faire encore plus d'efforts pour relever les défis que représentent les failles et inégalités de longue date qui ont été révélées au grand jour, comme la distribution inégale des vaccins et les bouleversements de la chaîne d'approvisionnement. Dans notre recherche d'équilibre dans nos interactions avec les différents mondes dans lesquels nous évoluons (virtuel et physique, personnel et public), nous devons innover pour donner naissance à une réalité meilleure.

Nous profitons des bénéfices de l'ère numérique qui envahit tous les aspects de nos vies et prenons conscience de ses risques, mais nous reconnaissons également la place essentielle de l'humain comme véritable moteur de l'innovation. À l'heure où les menaces démographiques et économiques entrent en collision, la technologie peut réduire l'effet des pénuries de main-d'œuvre et donner plus d'élan aux initiatives de développement durable, mais elle ne saurait remplacer les personnes, l'action individuelle et la collaboration. Pour donner le meilleur d'eux-mêmes et rester dans leur entreprise et s'y épanouir, les actifs veulent être valorisés, encouragés, compris et traités équitablement.

Pour relever ces défis, les professionnels du management de projet doivent posséder bien plus que des compétences techniques. Ils doivent adopter un état d'esprit stratégique pour aligner les projets sur les objectifs de leur organisation et comprendre comment leurs résultats affecteront l'évolution quotidienne des événements mondiaux et en seront en retour affectés. Ils doivent également booster leurs compétences en leadership et leurs « power skills », comme la communication, l'empathie et la promotion d'un esprit innovant, et aider les autres à faire de même.

Depuis la publication du rapport Mégatendances de l'année passée, le PMI a consulté les leaders de l'industrie et mené des études quantitatives et qualitatives primaires et secondaires pour vous aider à naviguer sur les courants mondiaux agités en 2022. Nous avons en outre invité des experts et des leaders d'opinion du monde entier à partager leurs réflexions pour nous guider et nous inspirer. Ces professionnels du management de projet et autres acteurs du changement incarnent les qualités nécessaires pour permettre un changement réel et positif et aider à relever les plus grands défis du monde.

img

Révolution numérique

Presque aucun domaine d'activité n'est pas concerné par l'évolution technologique constante. À peine nous habituons-nous au dernier outil de collaboration ou au dernier appareil de domotique que de nouvelles technologies viennent apporter des fonctionnalités améliorées. Ces solutions peuvent certes engendrer un gain de temps, améliorer la productivité et soutenir l'innovation, mais elles présentent également des risques, tels que les violations de données et la perte de confidentialité.

img

La transformation numérique était déjà amorcée avant l'arrivée de la pandémie de COVID-19, de nombreuses entreprises ayant redéfini leurs modèles économiques fondamentaux pour tirer un avantage concurrentiel sur un marché des produits et des idées en constante évolution. Des technologies comme le cloud computing, l'Internet des objets (IoT) et l'intelligence artificielle (IA) ont été déployées pour améliorer l'expérience client, booster l'efficacité des employés et optimiser les résultats des projets. Il n'y a aucune contradiction à dire que la transformation est devenue le nouveau statu quo.

Le rapport détaillé Pulse of the Profession® du PMI, Next Practices: Maximizing the Benefits of Disruptive Technologies on Projects, a déterminé qu'une grande majorité d'innovateurs, qu'on définit comme des organisations hautement performantes ayant une stratégie de transformation numérique mature, estiment que l'adoption de technologies perturbatrices a contribué à une amélioration significative pour atteindre et dépasser les objectifs commerciaux.

La pandémie a considérablement accéléré l'expansion des technologies numériques, en particulier les outils permettant la collaboration en ligne et le travail à distance. La tendance au télétravail a pris de l'ampleur, facilitée par la numérisation et l'amélioration de la connectivité. Les obstacles et hésitations à adopter un modèle à distance ont été balayés par la nécessité du travail à domicile pour assurer la continuité d'activité. Ce changement devrait s'enraciner dans un avenir proche.

Les entreprises se sont également empressées de commercialiser de nouvelles offres numériques. Selon le cabinet McKinsey, la vitesse à laquelle les entreprises mettent sur le marché des produits et des services de nature numérique a progressé de six ans en Amérique du Nord, de sept ans en Europe, de plus de 10 ans en Asie-Pacifique et de sept ans dans le monde entier. Les résultats varient selon les secteurs, les progressions les plus nettes s'observant dans les domaines de la santé et de l'industrie pharmaceutique, des services financiers et des services professionnels.

img

Les organisations continueront d'investir dans l'IA pour renforcer notamment leurs compétences de prise de décision, de gestion des risques, d'analyse des données et de gestion des connaissances. Mais la question de savoir si l'IA s'avérera capable de remplacer l'intelligence humaine et à quel moment est au cœur de nombreux débats et spéculations.

En novembre 2021, Eric Schmidt, ancien PDG de Google, rejoint par l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger et l'informaticien du MIT Daniel Huttenlocher, nous exhortait à l'avenir, plutôt que de nous en remettre entièrement à l'IA ou d'y résister, à concentrer nos efforts sur le fait de « façonner l'IA avec des valeurs centrées sur l'humain, notamment la dignité et le sens moral qui caractérisent l'être humain ».

Ces préoccupations prendront une place prépondérante à mesure que nous avançons dans l'avenir numérique. Pour favoriser une mise en œuvre positive de l'IA, les entreprises devront investir dans le recrutement ou la formation de spécialistes de l'informatique et des données, créer une stratégie de gouvernance des données et maintenir la transparence.

La collecte de données est le carburant qui alimente l'expansion des technologies de rupture et la poursuite de la transformation numérique. La protection de la confidentialité, de l'intégrité et de la disponibilité des données doit être un élément essentiel de toute réponse à ces initiatives commerciales tournées vers l'avenir.

Le sujet de l'éthique des données est exploré plus en détail dans ce rapport, de même que la cybersécurité et ses implications dans l'environnement de travail moderne. Ces deux aspects doivent être abordés avec une vigilance et une diligence accrues si nous voulons réussir la transition vers un avenir fondé sur le progrès numérique.

img
img

Innover pour la rupture : Entretien avec Ade McCormack

Ade McCormack aide les entreprises du monde entier à se transformer pour l'ère numérique.

Nous avons discuté d'une série de questions ayant trait au numérique avec Ade McCormack, conseiller en préparation aux ruptures. Dans cet entretien, il partage son point de vue sur l'environnement qui entoure la révolution numérique.

« Je pense que la réalité augmentée (RA) et la réalité virtuelle (RV) vont véritablement exploser au cours de l'année qui vient », explique Ade McCormack. Même les secteurs traditionnellement contraints par un emplacement physique, comme la plomberie, pourraient être perturbés par la RA. « Tout à coup, le consommateur va pouvoir regarder sous l'évier avec un plan et des instructions en RA. On peut imaginer qu'une méga-entreprise de plomberie en Argentine, par exemple, pourrait gérer les besoins de tout le monde en la matière. Cela remettrait totalement en cause la nécessité de recourir à des plombiers physiques. »

Mais la technologie ne suffit pas si le modèle économique n'est plus adapté au besoin. Les dirigeants ne peuvent espérer se contenter de « saupoudrer leur ancien modèle économique avec les dernières technologies. Cela ne suffira pas », avertit Ade McCormack. « Il nous faut aller au-delà du modèle industriel basé sur les processus pour prospérer dans une ère où la rupture devient la norme. Si vous bénéficiez d'une position dominante aujourd'hui, elle est au mieux temporaire. Vous avez tout intérêt à réfléchir déjà à votre prochaine innovation. »

Pour l'heure, Ade McCormack estime que les entreprises ne sont pas suffisamment tournées vers l'avenir. « Les employeurs s'évertuent surtout à recréer 2019. Je pense qu'ils reviennent aux façons de travailler de l'avant-COVID parce que cela leur apporte un sentiment de réconfort et de sécurité. Ils essaient de trouver de la certitude là où ils peuvent. Mais cela ne va pas fonctionner. La rupture postpandémique ne fait que commencer. »

img

Crise climatique

Les dirigeants du monde qui ont participé à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2021 (COP26) ont proclamé la nécessité d'une action urgente. Pourtant, peu de progrès ont été réalisés pour lutter contre le changement climatique. À l'avenir, les pratiques de développement durable devront être intégrées à chaque projet et chaque processus si nous souhaitons contrer les effets les plus dommageables du réchauffement climatique.

La pandémie a sensibilisé les populations à l'impact de l'homme sur l'environnement et à l'effet de la dégradation de l'environnement sur le bien-être humain et sur l'économie mondiale. Les États-Unis et l'UE se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, la Chine s'est engagée à faire de même d'ici 2060 et l'Inde d'ici 2070. La plupart des énergies renouvelables sont aujourd'hui moins chères que les combustibles fossiles, grâce aux investissements réalisés au cours des dix dernières années. Et des projets ont été lancés pour extraire le dioxyde de carbone de l'atmosphère ; le mégaprojet AFR100 en Afrique, par exemple, vise à reboiser quelques 100 millions d'hectares dans 10 pays d'ici 2030.

Malgré toutes ces actions, la situation s'aggrave.

Après une baisse temporaire des émissions due aux confinements, il n'y a « aucun signe d'un retour à la croissance respectueux de l'environnement », selon l'Organisation météorologique mondiale, qui a constaté une augmentation des concentrations des principaux gaz à effet de serre en 2020 et au premier semestre 2021.

Pour aider à inverser la tendance, les entreprises doivent prendre davantage de responsabilités. Un cinquième des plus grandes entreprises du monde se sont fixé des objectifs zéro net. Beaucoup d'autres doivent faire de même et elles devront unir leurs forces avec les gouvernements, le monde universitaire et d'autres organisations. Il est impératif d'investir davantage dans des projets de développement durable, en particulier dans les industries qui produisent le plus d'émissions, comme la production d'énergie et les transports. Il faut encore extraire des milliards de tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère chaque année par le reboisement et d'autres moyens, un processus à peine entamé.

Réduction des émissions de gaz à effet de serre : de la COP21 à la COP26

L'accord de Paris sur le climat, adopté lors de la COP21, est un traité international visant à limiter le réchauffement climatique, de préférence à 1,5 °C (34,7 °F).

2015 Paris (COP21)

Objectif : Ramener les émissions de gaz à effet de serre à

img

2021 Glasgow (COP26)

Objectif : Ramener les émissions de gaz à effet de serre à

img

2030 AVENIR

Objectif : Ramener les émissions de gaz à effet de serre à

img

* gigatonnes

Ces efforts sont complexes et difficiles à mettre en œuvre. Les études menées par le PMI montrent que près de 40 % des entreprises font état d'obstacles majeurs à l'amélioration de l'impact social, 33 % des projets seulement améliorant l'environnement. Une situation principalement due au manque de ressources financières et d'engagement au niveau organisationnel. Pour obtenir un haut niveau d'engagement, les cadres dirigeants doivent impérativement s'impliquer euxmêmes et reconnaître explicitement que l'amélioration de la résilience planétaire améliore la résilience des entreprises. Encourager cet état d'esprit et relier les projets à une finalité peut favoriser le maintien des effectifs et améliorer la productivité, ouvrant la voie à des actions concrètes.

La fonction de directeur du développement durable (CSO), qui a connu un essor spectaculaire au cours des dix dernières années, peut contribuer à atteindre cet objectif. Nishita Baliarsingh, cofondatrice et PDG de Nexus Power en Inde, met cependant en garde contre l'idée qu'il s'agirait d'une panacée : les efforts doivent être faits à l'échelon individuel et il faudra du temps pour changer les mentalités. L'intégration des pratiques de développement durable dans chaque fonction, processus et décision au sein de la chaîne de valeur nécessitera une collaboration interentreprise.

Les chefs de projet devront intégrer les objectifs d'émissions dans les indicateurs clés de performance, incorporer la gestion des émissions dans les méthodes de travail et communiquer avec toutes les parties prenantes sur les pratiques de développement durable. En plus des ressources financières et de l'engagement au niveau organisationnel, l'acquisition des bonnes compétences est un atout essentiel pour permettre le changement.

Il est essentiel que les entreprises puissent également évaluer leur empreinte énergétique, leurs coûts et leur impact, sans quoi il n'y aura aucune transparence ni aucune responsabilité et aucun moyen de suivre les progrès accomplis. Mais aucune norme ne définit pour l'instant les critères à mesurer et la manière de le faire. Il existe un grand nombre de notations et de fournisseurs de certification, divers cadres de travail pour la comptabilité non financière, et les indicateurs à utiliser font débat. Les efforts de numérisation devront également s'accélérer pour qu'il soit possible de bien comprendre le niveau d'utilisation des ressources et de gaspillage au sein de chaque processus métier grâce aux données et aux analyses.

Utiliser ce qui est disponible reste toutefois préférable à l'inaction, et les professionnels du management de projet devront travailler en étroite collaboration avec les équipes de développement durable pour identifier les meilleures pratiques et créer une voie à suivre. Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, soutenus par le PMI, fournissent un plan d'action. L'objectif 12, par exemple, préconise des modes de consommation et de production plus durables passant par le recyclage des déchets électroniques et plastiques à usage unique, des mesures qui peuvent être prises à la fois au niveau individuel et au niveau de l'entreprise.

img
img

Construire des produits durables : Entretien avec Nishita Baliarsingh

Nishita Baliarsingh est PDG et cofondatrice, avec sa sœur Nikita, de Nexus Power, une start-up basée en Inde. Lauréate du prix PMI Future 50, elle travaille à la production d'une batterie de véhicule électrique biodégradable fabriquée à partir de déchets agricoles.

Les véhicules électriques sont au cœur de toutes les attentions, mais les temps de charge, la sécurité des batteries et les impacts environnementaux des batteries lithium-ion suscitent des réticences. Nishita Baliarsingh et sa sœur jumelle Nikita ont eu une idée audacieuse : créer une batterie haute performance et biodégradable à partir de résidus de récolte pour s'attaquer aux émissions qu'entraîne la combustion de ces résidus tout en offrant aux agriculteurs des revenus supplémentaires.

« Le concept de développement durable n'est pas clairement compris », explique Nishita Baliarsingh. « Beaucoup pensent qu'il s'agit de “sauver la planète” alors qu'il s'agit de garantir une utilisation optimale des ressources. Il faut regarder toute la chaîne, des matières premières au canal de vente en passant par la production, lorsqu'on essaie de construire un produit durable. »

Les progrès en faveur du développement durable ont commencé au niveau individuel par de petits gestes comme le fait d'emporter des bocaux et des sacs réutilisables pour réduire les emballages. Nishita Baliarsingh explique : « Nous avons connu énormément de changements au cours des 10 dernières années et nous devons nous attendre à beaucoup plus encore au cours des 10 années à venir. » Les récentes initiatives de Tata Group, l'une des sociétés indiennes les plus connues, prouvent selon elle que les grandes entreprises commencent à se détourner du modèle visant exclusivement l'optimisation des profits. « Ils ont considérablement amélioré leur empreinte carbone et tendent vers la neutralité carbone. Au cours des 10 prochaines années, ils pourraient avoir une empreinte carbone négative. Ce n'est donc pas comme si l'efficacité n'était pas visible », souligne-t-elle.

« La technologie sera l'un des grands moteurs du changement en matière de développement durable. La pandémie a vraiment ouvert la porte à beaucoup de choses que nous n'imaginions même pas pouvoir faire virtuellement auparavant, comme la vidéoconférence. »

Nishita Baliarsingh affirme que les chefs de projet doivent absolument encourager les efforts de développement durable. « Les chefs de projet seront nécessaires partout. Tout ce que nous entreprenons aujourd'hui est désigné comme un projet. Que le projet dure une journée, 10 jours ou six mois, on a besoin que le chef de projet s'assure que l'ensemble du processus est rationalisé. L'avantage que les chefs de projet apportent aux efforts de développement durable, c'est de mettre au point la manière optimale d'accomplir le travail. »

img

Changements démographiques

D'après le rapport Talent Gap 2021 du PMI sur le fossé des talents, qui prévoit les tendances en matière d'emploi pour les dix prochaines années, l'économie mondiale aura besoin de 25 millions de nouveaux professionnels du management de projet d'ici 2030. Face à la baisse des taux de fécondité et à un pourcentage croissant de travailleurs atteignant l'âge de la retraite, les organisations devront trouver de nouvelles façons d'atténuer l'effet des pénuries de main-d'œuvre et de combler le fossé des talents.

Les entreprises ont rapidement identifié les opportunités qui existent pour répondre aux besoins des populations vieillissantes, en particulier grâce à la technologie. IBM, par exemple, a développé des environnements de maison connectée qui exploitent l'IoT et l'informatique cognitive pour surveiller la santé et les activités des habitants au quotidien. MyndVR propose des solutions immersives pour lutter contre l'isolement social chez les personnes âgées, et SWARCO, un groupe autrichien qui développe des technologies de circulation automobile, a créé une application de feux de circulation intelligents qui s'adapte à l'évolution des tendances de mobilité.

Dans de nombreuses économies développées, l'âge effectif de départ en retraite augmente, ce qui a des implications sur la redéfinition des espaces de travail : ceux-ci doivent s'adapter aux employés plus âgés et faciliter le recrutement, le bien-être physique et mental et la gestion des performances.

Le fait d'allonger la durée de vie active ne compensera toutefois pas le déclin global des populations en âge de travailler. Le besoin de chefs de projet qualifiés et d'autres acteurs du changement ne fera qu'augmenter à mesure que les industries adopteront de plus en plus le modèle du projet. Ce manque de talents est actuellement exacerbé par les restrictions de déplacement liées à la COVID et la vague de démissions née pendant la pandémie.

À l'heure où l'on repense l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et malgré le fait que certaines générations plus âgées travaillent plus longtemps, les organisations chercheront à attirer de jeunes employés. Les chefs de projet devront développer les compétences de leadership nécessaires et travailler en étroite collaboration avec les responsables des ressources humaines pour mettre en œuvre des politiques équitables et inclusives soutenant les travailleurs de tous âges.

Les recherches du PMI sur le fossé des talents en 2021 font état de cinq actions pour éviter une crise des talents :

img
img

Développer la prochaine génération d'employés : Entretien avec Takeshi Hayama, Ph.D., PMP

Takeshi Hayama est stratège en technologie chez NTT DATA Corp. et vice-président du chapitre Japon du PMI.

Le Japon possède la population la plus vieillissante au monde, et bien que le pays soit hautement préparé à relever les défis que cette situation représente, de nombreux problèmes subsistent. Nous avons discuté avec Takeshi Hayama, stratège en technologie chez NTT DATA Corp. à Tokyo, pour connaître son point de vue sur ce sujet important.

Bien qu'un grand nombre de personnes âgées travaillent au-delà de l'âge de la retraite, les secteurs qui exigent un degré élevé de spécialisation font face à une pénurie de talents dans leur recherche de la prochaine génération de travailleurs. Takeshi Hayama explique que l'IA et les robots sont utilisés pour soulager la pénurie de travailleurs qualifiés. « Dans le domaine de la maintenance des infrastructures publiques en particulier, on utilise des technologies telles que l'IoT, l'IA et les drones pour détecter rapidement les défauts et réduire les coûts de réparation. »

Takeshi Hayama affirme que la mondialisation et le développement de l'informatique ont polarisé le marché du travail japonais avec d'un côté les professions qui exigent des compétences élevées et de la créativité, et de l'autre les postes à bas salaires. « Les jeunes ne peuvent plus compter sur le système traditionnel japonais d'emploi à vie ni sur les programmes de reconversion proposés par les entreprises. Ils sont donc contraints de renforcer leurs aptitudes de leur côté. Les associations professionnelles, comme le PMI, et les organisations industrielles jouent un rôle dans le développement de ces jeunes. »

Pour soutenir le développement des jeunes chefs de projet, Takeshi Hayama estime qu'il existe un besoin de formations qui améliorent les compétences pratiques. « Au Japon, affirme Takeshi Hayama, le management de projet est souvent une composante d'un poste plus qu'une profession à part entière, on présume donc que le chef de projet possède des connaissances avancées dans le domaine d'activité et des compétences relationnelles suffisantes. La technologie éducative est essentielle tant pour les jeunes que pour la société, pour un apprentissage efficace et autonome qui s'adapte au changement. »

img

Changements économiques

Les contraintes créées par la pandémie ont désordonné la chaîne d'approvisionnement et conduit à repenser la mondialisation. La question est complexe. La reconstruction de chaînes d'approvisionnement nationales est une opération sur le long terme, et les replis permanents comportent une part d'incertitude. Il existe cependant des stratégies permettant d'atténuer les risques de la chaîne d'approvisionnement mondiale et de faciliter la collaboration transfrontalière.

La pandémie de COVID-19 a révélé des vulnérabilités de longue date dans la chaîne d'approvisionnement, en particulier une dépendance excessive aux fournisseurs exclusifs. Ces vulnérabilités — combinées à des pics de demande, des pénuries de main-d'œuvre, des événements météorologiques et d'autres facteurs — ont décimé la capacité portuaire et maritime, hissé les coûts de transport vers de nouveaux sommets, créé des pénuries massives de biens et de composants, augmenté les prix à la consommation et fait grimper l'inflation. En conséquence, certains pays cherchent à relancer leurs grandes industries manufacturières et à diversifier les chaînes d'approvisionnement de source unique.

La question clé est la suivante, compte tenu des pénuries de compétences et de travailleurs existantes : d'où viendront les talents dans les pays qui ont abandonné les capacités de production traditionnelles ? Les études menées par le PMI montrent que le secteur mondial de la fabrication et de la construction présente l'un des plus grands écarts entre les emplois actuels et les emplois prévus pour les rôles axés sur le management de projet (PMOE, Project Management-Oriented Employment), avec un taux de croissance de 13,2 % dans le PMOE qui devrait dépasser celui de l'emploi global dans ce secteur. La formation prendra du temps et exigera des investissements. Il en va de même pour la reconstruction des chaînes d'approvisionnement nationales. Par exemple, il faut plusieurs années et des milliards de dollars pour construire une usine de fabrication de semi-conducteurs. La production de batteries de véhicules électriques prend encore plus de temps à monter en puissance, tout comme la réalisation de l'autosuffisance dans l'extraction, le traitement et le raffinage des terres rares.

La mondialisation s'est remise de graves revers dans le passé et demeure à des niveaux historiquement élevés. L'Indice DHL 2021 de connectivité mondiale, qui mesure le ressenti des entreprises américaines, fait état d'entreprises désireuses d'accroître leur présence internationale. En outre, l'interconnexion du monde grâce au numérique a aidé de nombreuses entreprises à survivre à la pandémie, mais elle a également risqué d'accroître la fracture numérique, avec la possibilité que les pays plus pauvres et moins connectés prennent encore plus de retard. Le rapport conclut que des liens plus forts accéléreront la reprise mondiale.

Les stratégies de chaînes d'approvisionnement régionales, dans un cadre mondial, peuvent également améliorer la résilience face aux événements mondiaux tout en permettant de tirer profit des changements économiques à l'échelle de la planète. Les membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et six partenaires régionaux, dont l'Australie et la Chine, ont récemment signé ce qui est sans doute le plus grand accord de libre-échange de l'histoire, le Partenariat économique régional global (PERG).

Les chefs de projet peuvent également trouver des moyens de faciliter les projets transfrontaliers en s'appuyant sur la collaboration et le partage des connaissances à distance. En effet, nous ne pouvons agir seuls pour trouver des solutions aux plus grands défis environnementaux, sociaux et de gouvernance planétaires. À mesure que la mondialisation s'adapte à la nouvelle donne, on peut espérer qu'elle fera émerger plus de douceur et de bienveillance, avec en son cœur une plus grande conscience sociale.

img
img
img

Reconstruire l'industrie locale : Entretien avec Marcos Lopez Rego, Ph.D., PMP

Marcos Lopez Rego est professeur à l'IAG Business School de l'université catholique pontificale de Rio de Janeiro (PUC-Rio) et à la Fundação Getulio Vargas (FGV), et chercheur principal à l'institut brésilien de recherche navale.

« La pandémie entraînera-t-elle une diminution à long terme des flux de personnes entre pays ? Oui, absolument », répond Marcos Lopez Rego. « Cela va s'intensifier à l'avenir. » D'un point de vue stratégique, la pandémie de COVID-19 a révélé à quel point le monde est tributaire des approvisionnements et biens de consommation en provenance de certains pays.

Pour lutter contre cette dépendance, il faut mettre en œuvre des décisions politiques et stratégiques. « Le management de projet va devenir une capacité essentielle car les projets prendront de plus en plus d'importance », explique Marcos Lopez Rego.

« Le principal problème est le manque de ressources pour mettre cela en œuvre. Dans certains secteurs, les capacités locales se sont perdues, il sera donc nécessaire de lancer des politiques publiques d'éducation et de formation, ce qui est très long, coûteux et incertain. » Marcos Lopez Rego pense que les technologies comme l'impression 3D et la robotique sont des outils prometteurs, mais qu'il faudra beaucoup de temps avant que des économies axées sur les services ne soient à nouveau capable de produire des composants critiques dans leurs frontières.

Marcos Lopez Rego croit également à la démondialisation des secteurs axés sur la connaissance et les services. Mais, ajoute-t-il, « il est important de s'assurer que les projets locaux sont alignés sur les tendances mondiales. Les compétences en management de projet et en communication sont fondamentales en ce sens. »

img

Pénuries de main-d'œuvre

On observe un exode des employés et une perte de connaissances institutionnelles dans les organisations du monde entier, et cela ébranle le lieu de travail d'une manière que nous n'avons jamais connue et pas anticipée. La façon dont les entreprises réagissent déterminera s'il s'agit d'une tendance à long terme ou d'une simple remise à plat.

L'année passée, de nombreuses entreprises se sont retrouvées sur la sellette quand leurs employés ont démissionné en masse, lançant un mouvement d'une telle ampleur qu'Anthony Klotz, professeur à l'université A&M du Texas, aux États-Unis, a nommé ce phénomène « The Great Resignation » (la grande démission).

En janvier 2022, le Bureau of Labor Statistics des États-Unis a annoncé que 4,5 millions d'Américains avaient quitté leur emploi en novembre, le niveau le plus élevé enregistré depuis que l'agence a commencé à suivre ces données en 2000. Le taux de démission a atteint à nouveau 3 %, remontant à un niveau record atteint pour la première fois en septembre 2021.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui comprend 38 pays membres, a constaté que les personnes qui travaillent aujourd'hui sont 20 millions de moins qu'avant la pandémie, et elle prévoit un redressement lent. Dans une récente enquête menée pour la fondation Bertelsmann, 66 % des décideurs d'entreprises en Allemagne, la plus grande économie d'Europe, ont déclaré qu'ils sont actuellement à court de travailleurs qualifiés, un chiffre en hausse par rapport à 2020. En Australie, 40 % des employés disent avoir l'intention de chercher un nouvel emploi dans les six prochains mois. Et à Singapour, 49 % des employés interrogés dans le cadre de l'indice Microsoft 2021 des tendances du travail ont déclaré qu'ils envisageaient de quitter leur employeur cette année.

Le déclenchement de la hausse des taux de démission correspond au début de la pandémie de COVID-19, lorsque des millions d'employés partout dans le monde ont été licenciés ou mis en chômage temporaire. Dans certains pays, les allocations chômage et les fonds publics d'aide ont permis aux individus de rester chez eux pour des raisons de santé et de prendre soin de leur famille. Mais même maintenant, alors que les taux de vaccination augmentent, que les organisations commencent à normaliser les environnements de travail et que de plus en plus d'entreprises offrent des primes et des incitations aux nouveaux employés, des millions de postes restent vacants.

Ces pénuries historiques de main-d'œuvre sont encore compliquées par la marginalisation disproportionnée des femmes, une situation exacerbée par les inégalités dans les rôles d'aidant et les opportunités. Au début de la pandémie, les secteurs employant le plus de femmes, comme celui de l'hôtellerie, étaient les plus à risque. En Amérique latine, les recherches ont révélé que la pandémie avait mis un coup d'arrêt aux progrès précédemment accomplis dans la région en faveur de l'égalité des genres au travail. En effet, 12 millions de femmes avaient quitté la main-d'œuvre régionale du fait des suppressions d'emplois.

Alors même que les entreprises cherchent activement des employés, beaucoup de femmes éprouvent des difficultés à reprendre le travail ou à entamer de nouvelles carrières. Le National Women's Law Center (NWLC) rapporte que la participation des femmes à la population active n'était que de 57,3 % en octobre 2021, soit le taux de participation le plus bas depuis 1988. Les taux de chômage des femmes noires et hispaniques dépassent le chiffre global pour les femmes.

Le désir refoulé d'obtenir de meilleures conditions de travail et une plus grande flexibilité se fait entendre à mesure que les restrictions imposées par la pandémie s'estompent. Ce facteur supplémentaire amène les directions des entreprises à se demander comment elles peuvent retenir leurs employés tout en attirant de nouveaux talents. Pour y parvenir, les dirigeants doivent être prêts à répondre à la désillusion croissante ressentie par de nombreux employés sur la question de l'équilibre vie professionnelle/vie privée, ainsi qu'à leurs attentes actuelles vis-à-vis de leurs emplois et des organisations pour lesquelles ils travaillent.

Alors que 25 millions de nouveaux professionnels du management de projet seront nécessaires d'ici 2030, selon le rapport Talent Gap 2021 du PMI, ces pénuries de main-d'œuvre ne feront qu'intensifier la difficulté de livrer les projets dans les délais, dans le respect du budget et conformément aux attentes des clients. À court terme du moins, de nombreuses entreprises pourraient subir une rotation de personnel importante et des retards de planning en raison des membres de leurs équipes et autres parties prenantes qui quittent le navire pour saisir de nouvelles opportunités. À défaut d'une surveillance et d'un contrôle étroits, la qualité pourrait diminuer à mesure qu'augmente la pression reposant sur le personnel resté à bord.

Bien que la vague de démissions n'ait pas touché tous les pays dans toutes les régions du monde ni tous les secteurs, la menace de pénuries de main-d'œuvre et d'employés mécontents est bien réelle. Les entreprises vont devoir réinventer la relation employeur/employé pour fidéliser leur personnel, s'aligner sur les initiatives d'impact social importantes aux yeux des travailleurs et offrir davantage de reconnaissance et de récompenses pour les contributions des employés. Cette transition dans le monde du travail promet de durer plusieurs décennies.

img
img

Aider les femmes à revendiquer leur valeur : Entretien avec Susan Coleman, J.D., MPA

Susan Coleman est une consultante basée aux États-Unis qui possède plus de 30 années d'expérience dans la formation. Elle a accompagné des dizaines de milliers de personnes à travers le monde dans l'utilisation de stratégies de négociation et de collaboration pour trouver un terrain d'entente. Son principal objectif désormais est de renforcer la position des femmes à travers la négociation.

Selon Susan Coleman, le fait que la pandémie de COVID-19 ait contraint des millions de femmes à quitter leur travail renforce certaines vérités sur leur place dans le monde. « Tant que nous ne sommes pas au premier rang, tant que nous n'avons qu'un rôle de soutien, tout le monde est content. Mais si nous avions une véritable égalité des genres, je pense qu'il y aurait beaucoup d'opposition. Pour les femmes qui veulent mener leur vie professionnelle tout en étant mères, la garde d'enfants est une question essentielle ; si elles n'ont pas accès à de bonnes options de garde, les femmes finissent par abandonner », explique Susan Coleman.

« Bien que les choses soient devenues beaucoup plus difficiles pour les femmes partout dans le monde depuis l'apparition de la COVID, je ne pense pas que nous reculions. L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail est depuis longtemps l'un des plus grands changements dans la vie des entreprises. Et en tant que femmes, nous changeons les choses. »

Le télétravail a apporté de la flexibilité, mais Susan Coleman relativise : « Il y a actuellement un grand débat dans le monde pour savoir si nous traversons cette épreuve ensemble ou si nous faisons le choix de la polarisation. L'un des choix fondamentaux que l'on est amené à faire lorsqu'on négocie est de déterminer si l'on est dans la collaboration ou dans la concurrence. La collaboration est vraiment l'option gagnant-gagnant. Pour les femmes, il s'agit de renforcer notre conscience de nos compétences et de chercher à accroître notre capacité de négociation. La négociation tourne beaucoup autour de la revendication de valeur, le fait de recevoir de la valeur et qu'on nous demande ce que l'on veut. »

img

Mouvements citoyens, civiques et pour l'égalité

Malgré les restrictions actuelles dues à la pandémie de COVID-19, les revendications sociales ont continué à s'exprimer dans la rue en 2021. Il est probable que ces manifestations perdurent car les effets économiques et les inégalités encore davantage creusées par la pandémie contribuent à nourrir les troubles sociaux. Mais de plus en plus, nous verrons également les salles de conseil d'administration, les bureaux et les sites des projets devenir le théâtre d'un véritable changement et d'une collaboration, fruit des mouvements civils, civiques et pour l'égalité.

Bien que les organisations aient accru leurs efforts en matière de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI), ceux-ci ont pu manquer d'efficacité du fait des changements globaux nécessaires. La désignation de directeurs de la diversité (CDO), en augmentation ces cinq dernières années avec un pic notable en 2020, contribuera certainement à cet objectif. La nécessité d'atténuer les effets des pénuries de main-d'œuvre va fortement motiver les entreprises à bâtir des cultures plus inclusives. Dans le même temps, les répercussions de la pandémie ont davantage touché les personnes de couleur et, à l'échelle mondiale, ont été les plus durement ressenties sur les marchés émergents et dans les économies en développement.

Bien que de nombreuses études récentes aient montré combien les efforts en DEI sont déterminants pour la réussite des entreprises, les femmes et les minorités ethniques restent sous-payées et sous-représentées dans les grandes entreprises. Une étude récente de McKinsey démontre l'intérêt économique de faire entrer la diversité au sein des équipes de direction, les entreprises figurant dans le quartile supérieur pour la diversité de genre ayant 25 % de chances en plus d'avoir une rentabilité supérieure à la moyenne par rapport aux entreprises du quatrième quartile. La probabilité d'enregistrer des performances supérieures est encore plus élevée dans le cas de la diversité ethnique.

Il n'y a pas de diversité sans équité et inclusion. La diversité doit prendre en compte de nombreuses dimensions, et l'équité et l'inclusion véritables impliquent de créer des conditions qui donnent à chacun la même chance de contribuer, de croître et de prospérer. Une étude récente menée au Royaume-Uni a révélé que seulement 16 % des employés atteints de handicaps se sont sentis inclus au travail, contre 25 % de leurs collègues. Et même si de nombreuses entreprises du Fortune 500 ont mis en place des politiques d'inclusion pour les employés LGBTQ, la plupart des pays ne fournissent toujours aucune protection juridique. Catalyst rapporte que « la peur empêche les employés LGBTQ d'exprimer ouvertement leur identité au travail ».

Malgré les difficultés qu'il a pu engendrer, le télétravail a opéré un nivellement pour les personnes qui sont victimes de préjugés sur le lieu de travail. De nombreuses femmes de couleur sont réticentes à retourner au bureau, selon un article récent du New York Times. Le télétravail a atténué le stress lié au fait de travailler dans des espaces de travail dominés par les blancs et réduit l'exposition aux microagressions et à la discrimination. Dans une enquête de Future Forum réalisée en 2021 auprès de plus de 10 000 travailleurs intellectuels aux États-Unis, en Australie, en France, en Allemagne, au Japon et au Royaume-Uni, les hommes noirs ont fait état d'une meilleure expérience de travail dans le cadre du télétravail.

L'intégration d'efforts en DEI dans chaque fonction, processus et décision tout au long de la chaîne de valeur s'annonce difficile. D'après le PMI, les pratiques clés incluront d'impliquer les employés dans la création de politiques et la définition d'objectifs, d'intégrer les principes de DEI dans la formation et d'établir des groupes de ressources pour les employés. Les entreprises à l'avant-garde utilisent de solides outils d'IA pour recruter des talents divers, en partenariat avec des groupes qui encouragent la diversité et qui vont à la rencontre des jeunes. L'application d'une approche axée sur les données pour mesurer les progrès et en rendre compte sera un facteur de réussite critique.

img

De manière générale, une culture ouverte à différents points de vue favorisera la créativité et la capacité d'adaptation et produira de meilleurs résultats commerciaux.

Les CDO ont du pain sur la planche. La question de la DEI ne peut être traitée à coups de déclarations génériques ni sur le seul plan juridique et de la conformité. L'authenticité et la transparence sont nécessaires.

Chacun doit baisser la garde, accepter d'être mal à l'aise, se montrer vulnérable et être disposé à partager ses émotions à l'état brut (qu'il s'agisse de tristesse, de colère, de frustration ou de peur) car les véritables relations d'affaires commencent et se terminent par des relations humaines sincères.

img

Conduire des initiatives de DEI : Entretien avec Innocentia Mahlangu, Pr Eng, MSc, PMP

Innocentia Mahlangu se consacre à la conduite d'initiatives de DEI. Elle est ingénieure principale et chef de projet pour le Groupe de livraison de projet de Hatch en Afrique du Sud. Lauréate du prix PMI Future 50, elle a fondé SHEngineers, un réseau de mentorat virtuel à but non lucratif pour les femmes ingénieurs.

Au début de sa carrière, Innocentia Mahlangu a remarqué qu'elle était souvent la seule femme dans la pièce. « Je travaille dans des secteurs largement dominés par les hommes : l'ingénierie, la construction, le management de projet et la technologie », explique-t-elle.

Un peu plus de 50 % des candidats fraîchement diplômés postulant à des postes d'ingénieurs sont des femmes, mais les femmes ne représentent que 12 % des professionnels en exercice en Afrique du Sud, selon le Engineering Council of South Africa. « Nous essayons d'attirer les femmes dans ce secteur, mais leur maintien en poste est un problème majeur : nous avons ce que beaucoup appellent un pipeline qui fuit, nous perdons des femmes à différents stades de développement », poursuit Innocentia Mahlangu. « Cela signifie que les femmes se heurtent à des obstacles quelque part entre le statut de candidat et l'installation en tant que professionnel. Cela met vraiment l'accent sur l'ampleur du problème. »

Le problème selon Innocentia Mahlangu : « Les entreprises ne s'impliquent pas vraiment en matière de DEI et il y a un problème d'alignement entre les stratégies d'entreprise. Certains voient cela comme un gadget qui vient s'ajouter à leur mode de travail habituel. Ils n'en ont pas fait un domaine d'action central et aucune impulsion n'est donnée au plus haut niveau de l'organisation ; certains n'ont même pas d'objectifs stratégiques à long terme ni de résultats mesurables. »

Innocentia Mahlangu insiste néanmoins sur le fait que la diversité doit aller au-delà de l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail. « On a tendance à cantonner la diversité au genre et très souvent, les dirigeants ne se rendent pas compte que lorsqu'on parle de diversité, cela concerne un large éventail de catégories. Nous voulons que nos industries et nos lieux de travail soient diversifiés et inclusifs, et qu'ils valorisent le caractère unique de tous les travailleurs, différents par leur culture, leur âge, leurs langues, leurs capacités et toutes les autres qualités qui les distinguent. Je pense qu'en accueillant pleinement toutes les formes de diversité, on parvient à une diversité de pensée, laquelle est garante d'une plus grande réussite commerciale et de projets couronnés de succès. »

Mentorat des femmes dans la tech : Entretien avec Julissa Mateo Abad

Julissa Mateo est la fondatrice d'une communauté de femmes actives dans la tech (@MujeresTICsRD) en République dominicaine. Elle est lauréate du prix PMI Future 50 pour son action qui met en avant le rôle des femmes dans la technologie.

Quand elle assistait à des événements en tant qu'ingénieure des technologies de l'information et des communications (TIC), Julissa Mateo s'est aperçue que certaines personnes la prenaient pour la petite amie d'un des hommes dans la salle. « Un jour, j'ai entendu quelque chose dont je voulais vérifier l'exactitude. J'ai donc levé la main pour demander à l'intervenant de l'expliquer à nouveau. L'un des intervenants m'a interpelée un peu plus tard et m'a lancé : « Que penseriez-vous de donner une conférence pour partager votre intérêt avec d'autres femmes ? Vous appréciez beaucoup ces événements, il y a donc des chances que d'autres femmes soient aussi intéressées ».

C'était la première étape vers @Mujeres TICsRD, une communauté de femmes dans les domaines technologiques qui s'épaulent les unes les autres sur le principe du mentorat, élargissent leurs réseaux et se soutiennent mutuellement pour faire avancer leur carrière. L'organisation est née en République dominicaine et s'étend maintenant à la Bolivie et au Guatemala. « Nous essayons d'obtenir une meilleure représentation car le monde en a besoin, selon moi », explique Julissa Mateo.

Julissa Mateo et ses collègues travaillent avec des organisations pour les aider à comprendre ce que signifie la diversité, l'équité et l'inclusion (DEI), et quels bénéfices elles apportent. « Les entreprises se contentent souvent de quelques embauches pour améliorer leurs chiffres, pour pouvoir dire qu'elles ont trois femmes, quatre hommes, une personne noire », déplore Julissa Mateo. « Alors qu'en réalité, dire qu'on essaie de promouvoir la diversité implique d'essayer véritablement d'arriver à l'égalité. De comprendre le comportement des gens, la façon dont ils agissent, comment cela s'inscrit dans leur culture. C'est un tout. »

« Parfois, en tant que femmes, nous doutons de la capacité d'autres femmes à faire un travail parce que nous n'avons jamais vu quelqu'un qui nous ressemble à ce poste. C'est pourquoi nous essayons de mettre en place des mentorats. Même si vous partez de zéro, et je peux vous dire que je pars de moins 20, vous pouvez évoluer et devenir exactement la personne que vous voulez être. Vous devez vous entourer de gens qui comprennent également votre vision. »

Selon Julissa Mateo, l'inclusion améliore également l'expérience client : « J'essaie de faire en sorte que les entreprises de la tech comprennent l'intérêt de la DEI, car c'est la technologie du futur que nous créons. Si l'on ne considère pas les gens qui utiliseront ces technologies, on finira par obtenir des technologies qui ne sont pas adaptées, et il faut éviter cela. »

img

Conclusion

Cette année nous appelle à mettre les choses à plat et à s'engager à aller de l'avant et à relever les défis présentés dans le rapport Mégatendances mondiales 2022. Les deux dernières années nous ont en quelque sorte mis face à notre incapacité à affronter les problèmes et à concevoir et mettre en œuvre des solutions. Mais une opportunité nous est donnée de réinventer la voie à suivre — une voie plus respectueuse de l'environnement, plus équitable et dont les bénéfices sont plus largement distribués.

Nous devons mieux réfléchir aux objectifs que nous nous fixons, aux approches que nous utilisons pour les atteindre et à la façon dont les résultats produits affecteront tous les habitants du monde.

Les professionnels du management de projet doivent pour cela tirer parti d'un éventail de capacités. Les acteurs du changement recourent à de nouvelles façons de travailler, y compris des compétences techniques de management de projet et un savoir-faire technologique, ainsi que des « power skills » comme la communication et l'empathie. Ils doivent comprendre le contexte de leurs projets dans l'environnement macro et les objectifs stratégiques de leur organisation. Et ils doivent décupler leur créativité et leur pensée innovante (et ceux de toutes les personnes qui les entourent) pour s'adapter aux circonstances extraordinaires et trouver des solutions tout aussi extraordinaires. C'est ainsi que nous pourrons transformer les idées en réalité et résoudre les problèmes les plus pressants du monde.

Rendez-vous sur Global Megatrends 2022 pour en savoir plus sur ces tendances et regarder des interviews vidéo d'experts et de leaders d'opinion.

Références

Accenture. (n.d.). Who we are is how we'll grow.

Altman, S. A., & Bastian, C. R. (2021). DHL global connectedness index 2021 update. DHL.

Catalyst. (1er juin 2021). Lesbian, gay, bisexual, and transgender workplace issues (quick take).

DETV.us. (4 novembre 2021). It is getting worse and worse: The end is not in sight if there is a shortage of skilled workers. DETV.us.

Employment Hero. (29 octobre 2021). 25 HR trends to watch out for in 2022.

Future Forum. (octobre 2021). Future Forum Pulse: The great executive-employee disconnect.

Hendershot, S. (1er mai 2020). Trees of life: Reforestation projects won't take root unless teams carefully identify risks and groom local stakeholders. Project Management Institute.

Organisation internationale du travail (OIT). (8 mars 2021). 13 million women in Latin America and the Caribbean saw their jobs disappear due to the COVID-19 pandemic. [Communiqué de presse].

International Renewable Energy Agency (IRENA). (22 juin 2021). Majority of new renewables undercut cheapest fossil fuel on cost [Communiqué de presse].

Kissinger, H., Schmidt, E., & Huttenlocher, D. (1er novembre 2021). The challenge of being human in the age of AI. The Wall Street Journal.

McKinsey & Company. (19 mai 2020). Diversity wins: How inclusion matters.

McKinsey & Company. (27 septembre 2020). Women in the workplace 2021.

McKinsey & Company. (5 octobre 2020). How COVID-19 has pushed companies over the technology tipping point—and transformed business forever.

Microsoft. (18 mai 2021). Microsoft work trend index: 49 percent of Singapore workers are considering leaving their employer this year.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (2019). Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019 : L'avenir du travail.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (2020). La transformation numérique à l'ère du COVID-19 : Renforcer la résilience et réduire les fractures.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (2021). Perspectives de l'emploi 2021 : Une occasion unique de bâtir un monde du travail meilleur.

Project Management Institute (PMI). (2018). Rapport détaillé PMI Pulse of the Profession® : Next practices: Maximizing the benefits of disruptive technologies on projects.

Project Management Institute (PMI). (2020). Rapport détaillé PMI Pulse of the Profession® : Why social impact matters: Delivering meaningful change through projects.

Project Management Institute (PMI). (2021). Popularisation de l'intelligence artificielle. Mégatendances 2021.

Project Management Institute (PMI). (2021). Mégatendances 2021.

Project Management Institute (PMI). (Juin 2021). Fossé des talents : Tendances de l'emploi sur dix ans, coûts et implications mondiales.

Partenariat économique régional global (PERG). (14 décembre 2021). Regional comprehensive economic partnership (RCEP) agreement to enter into force on 1 January 2022.

Tucker, J. (novembre 2021). Women gained 57% of jobs added to the economy in October but still need almost 8 months of growth at October's level to recover pandemic losses. National Women's Law Center (NWLC).

Tulshyan, R. (23 juin 2021). Return to office? Some women of color aren't ready. The New York Times.

Nations unies. (31 octobre - 12 novembre 2021). 26e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26).

Nations unies. Département des affaires économiques et sociales Développement durable. (n.d.). Les 17 objectifs.

U.S. Bureau of Labor Statistics. (4 janvier 2022). Job openings and labor turnover summary. [Communiqué de presse].

Organisation météorologique mondiale. (16 septembre 2021). Climate change and impacts accelerate [Communiqué de presse].

img
img

Project Management Institute | Siège social mondial | 14 Campus Blvd Newtown Square, PA 19073-3299 États-Unis | Tél. : +1 610 356 4600

©2022 Project Management Institute. Tous droits réservés. « PMI » et le logo PMI sont des marques du Project Management Institute, Inc. Pour obtenir une liste complète des marques commerciales du PMI, contactez le service juridique PMI. CNT-21-027-TL(01/2022)

Advertisement

Advertisement

Related Content

  • Thought Leadership Series

    El éxito de las PMO en Latinoamérica member content open

    Los proyectos en América Latina se encuentran en un punto crucial. En toda la región, desde la infraestructura hasta las finanzas, desde la TI hasta el desarrollo sostenible, las organizaciones…

  • Thought Leadership Series

    O sucesso do EGP na América Latina member content open

    Os projetos na América Latina estão em um ponto crucial. Em toda a região, da infraestrutura às finanças, da TI ao desenvolvimento sustentável, as organizações estão implantando iniciativas para…

  • PMI White Paper

    Agile Regulation member content open

    By National Academy of Public Admiistration | PMI The National Academy of Public Administration recently presented the results of a year-long effort to identify the Grand Challenges in Public Administration.

  • Global Megatrends

    Megatendencias 2022 member content open

    Con información de expertos de la industria y líderes de pensamiento, PMI analiza seis megatendencias globales y su impacto en las organizaciones, los profesionales de proyectos y los agentes de…

  • Global Megatrends

    Global Megatrends 2022 member content open

    Mit Einblicken von Branchenexperten und Vordenkern diskutiert PMI sechs globale Megatrends und ihre Auswirkungen auf Organisationen, Projektexperten und Changemaker.

Advertisement